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Archipop
1944
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Liberté retrouvée (La) : Libération de Candas
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Brest en ruines
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Arrivée d'une colonne allemande
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Diverses images de l'armée allemande
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Déminage Le Touquet
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Maquisards de Maurienne
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Seconde guerre mondiale à Charlieu
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R5 autour d'un maquis
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8 mai 1945 : Genève fête la fin de la ...
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8 mai 1945 : Genève fête la fin de la guerre
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Ruines et deuils ou les Vosges sinistrées
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Catastrophes
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Communion
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Août 1944 - Aron après la Tourmente
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1944
Henri Hubert
Août 1944 - Aron après la Tourmente
Notre sélection
Murmures, une histoire de femmes ...
Centre audiovisuel Simone de Beauvoir
1995
Young-Joo Byun
Murmures, une histoire de femmes coréennes

Carte blanche "La Seconde Guerre mondiale filmée par des cinéastes amateurs, un autre regard sur le conflit" - par Marc Pottier, conseiller historique

Alors que le cycle commémoratif du 80ème anniversaire de la Libération de la France a débuté en Corse, s’est poursuivi avec un hommage aux héros étrangers de la Résistance, a honoré la mémoire des grands maquis, celle des victimes de la Shoah, a continué en Normandie avec l’importance stratégique du Débarquement et se terminera en 2025 par la commémoration de la fin de la guerre en Europe, la mise en ligne de la plate-forme Amorce avec près 200 films tournés par des cinéastes amateurs entre 1937 et l’immédiate après-guerre, est un exceptionnel outil de connaissance et de transmission offrant un autre regard sur le conflit.

Trop souvent la Seconde Guerre mondiale se résume dans la mémoire et l’imaginaire commun à un agrégat de dates, de stratégies, de mouvements de troupes, de discours célèbres, de grandes figures historiques. Ces référents collectifs sont aussi la production des images des actualités officielles de l’époque ou celles filmées par les opérateurs aux armées. Ces archives que l’on retrouve de façon générique et habituelle dans les documentaires historiques, les émissions de télévision, les expositions dans les musées forment nos référents visuels liés au conflit. 

Nos références en images animées sont aussi liées au cinéma hollywoodien avec des films cultes comme Le Jour le plus long, de Darryl F. Zanuck sorti en 1962, Il faut sauver le soldat Ryan de Steven Spielberg, sorti en 1998, à une série comme Band of Brothers créée par Tom Hanks et Steven Spielberg diffusée en 2001 sur HBO ou encore des jeux vidéos comme Medal of Honor sorti en 1999 ou Call of Duty WWII sorti en 2017.

Face à ces représentations visuelles de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale, qu’apportent les images produites par les cinéastes amateurs ? En quoi ces sources de l’intime, ces films familiaux sont une façon renouvelée et plus proche d’une forme “d’histoire brute” pour nous replonger dans le temps long et ambigüe des “années noires”, de l’Occupation et de la Libération ?

Tout d’abord, ces films amateurs font acte de mémoire. Il s’agit pour le cinéaste amateur de capter l’événement historique majeur, l’irruption de la grande Histoire. Faire trace pour ne pas oublier est aussi majeur, transmettre l’extraordinaire moment vécu s’inscrit dans la démarche du filmeur. Le familial et l’intime confrontés à des moments de singularité absolue, le filmeur prend alors sa caméra et témoigne à sa façon. 

La sélection des 13 cinémathèques avec une archive mise en avant caractérise fortement ces moments de césures, ces temps charnières de l'histoire.

Un des moments clefs souvent filmé est “l’étrange défaite” de 1940. La débâcle en quelques semaines de l’armée française, l’effondrement d’un pays et l’arrivée des troupes allemandes sont présents dans le film de Fernand Bignon, Communion, Normandie Images

Cette archive associe l’histoire familiale, l’intime avec l'actualité hors du commun du moment. En effet, le dimanche 19 mai 1940 à Gisors dans l’Eure, Jacqueline Bignon fait sa première communion. Comme à l'accoutumée, Fernand son père, photographe professionnel installé depuis le début des années Trente dans la capitale du Vexin normand, filme ce moment majeur dans la vie de sa fille tant aimée. 

Il capte en filigrane la vie des Gisorsiens lors des semaines de la campagne de France et la défaite française. En arrière-plan de la communion privée, on voit des colonnes de véhicules. Ce sont les réfugiés hollandais, belges, luxembourgeois mais aussi du Nord de la France qui traversent le gros bourg de l’Eure. Durant les trois dernières semaines de mai 1940, un million de réfugiés affluent dans le département. L'Eure est terre d’accueil et espace de circulation des exodiens.

L’archive Seconde Guerre mondiale à Charlieu de la Cinémathèque de Saint-Étienne montre aussi la déroute des troupes françaises, c’est l’effondrement d'une armée qui était jusqu’en mai 1940 considérée comme la plus puissante au monde. Les colonnes de véhicules et les voitures de réfugiés traversant la ville de la Loire précèdent l’arrivée imminente des troupes allemandes. 

Dans la chronologie de la guerre, autre moment majeur du témoignage filmé, la présence de l’occupant. 

Les images de troupes allemandes traduisent la forme la plus visible de la France occupée. Elles témoignent de la France à “l’heure allemande” et sont d’autant plus signifiantes que dès le 22 octobre 1940, les autorités allemandes d’occupation font paraître une ordonnance qui décrète “l’interdiction de la prise de vue de formats réduits de n’importe quelle espèce et de n’importe quelle dimension”. 

Les commerçants ne sont pas autorisés à vendre de la pellicule, à effectuer des développements ou des tirages en 8 mm, en 9,5 mm, en 16 mm pour d’autres clients que les soldats allemands. À cela s’ajoutent les difficultés d’approvisionnement sur les matières premières, pellicules et produits chimiques. 

C’est donc au péril de leur vie et malgré les pénuries que des particuliers ont filmé durant la guerre. Le film Arrivée d'une colonne allemande, CICLIC tourné en cachette derrière sa fenêtre par Maurice Raby à Châtillon-Coligny est très révélateur malgré le danger du besoin de témoigner. Malgré les interdictions, la caméra devient un contrepoint, un contre-pouvoir ou un exutoire, à cette effraction de l’Occupant dans l’intimité de la vie. Ces films peuvent s'inscrire en réalité comme une  des formes de la résistance civile, un engagement par et avec la caméra à témoigner non pour simplement acter et décrire mais aussi attester du refus.

L’archétype dans la sélection du film “refus de l'Occupation”, œuvre de résistance par la caméra est indéniablement, Maquisards de Maurienne, Cinémathèque des pays de Savoie et de l'Ain. Le résistant et cinéaste Eugène de Grolée-Virville a filmé le quotidien de résistants de la compagnie Stéphane du bataillon du Grésivaudan dans leurs campements, leurs déplacements, leur entraînement, au cours de quelques embuscades et combats dans les Alpes en Savoie. Ces images sont véritablement exceptionnelles et ces portraits de résistants d’une rare puissance. 

Autre moment charnière et très souvent filmé, la Libération. Seconde Guerre mondiale à Charlieu de la cinémathèque de Saint-Étienne, Liberté retrouvée : La libération de Candas et le retour des prisonniers, Archipop ou Catastrophes, Mémoire des Images Réanimées d'Alsace, rappellent les inoubliables scènes d’allégresse, les embrassades et les chaudes poignées de main qui caractérisent ce moment tant attendu de l’arrivée des libérateurs alliés. En fait, dans les villes et villages libérés sans trop avoir souffert des combats, c'est la joie qui éclate. On confectionne à la hâte des banderoles à la gloire des Alliés, des drapeaux et même des robes aux couleurs de l’Union Jack ou de la Bannière étoilée. Le drapeau tricolore orné de la Croix de Lorraine est déployé. 

Mais la libération est aussi trop souvent synonyme de souffrances et de destructions. Aron après la tourmente, Ofnibus - Résidence d'archives itinérante, décrit le martyre de de ce village de la Mayenne. Du 5 au 13 août 1944, d’incessants combats opposent ici Allemands et forces américaines. Trente et une personnes, domiciliées ou réfugiées à Aron, décèdent au cours de cette sanglante semaine parmi lesquelles dix-huit victimes de bombardements et treize de la barbarie nazie.

Brest en ruines de la Cinémathèque de Bretagne s’inscrit dans la même veine, témoigner du prix de la liberté retrouvée. Les 18 et 19 septembre 1944, Brest est libérée après six semaines de siège. Mais Brest paie un lourd tribut. La ville est complètement ravagée par les bombardements alliés et les destructions allemandes. 428 morts, 5 000 immeubles détruits, le port est inaccessible, 2 000 épaves gisent dans la rade, il n’y a plus d’arsenal, c’est une ville en ruines à près de 80%. Ruines et deuils ou les Vosges sinistrées, Image'est, montre aussi l’âpreté des combats, les destructions à Saint-Dié-des-Vosges, Épinal, La Bresse, Charmes, Rochesson. De septembre 1944 à février 1945, la bataille des Vosges est la première vraie résistance allemande en France à l'avancée alliée après l'effondrement du front normand. Les combats entre Américains, Français et les troupes allemandes sont d’une rare intensité, le terrible hiver 1944-1945 ainsi que le massif vosgien rendant encore plus difficiles la situation. L’archive filmée par le Révérend Père Joseph Danion, supérieur de la Basilique de Domrémy illustre ces difficultés et les conséquences de la bataille, le “prix payé” pour retrouver la liberté.

Certes, l’armistice est enfin signé. Le film 8 mai 1945 à Genève, Fondation Autrefois Genève, montre parfaitement le grand moment de joie et de soulagement, l'espoir collectif après la capitulation nazie et la paix en Europe. Pour autant, tout n’est pas terminé et la vie ne reprend comme avant.

C’est l’heure du retour à la maison pour les prisonniers de guerre, les requis du travail forcé et les déportés, La libération de Candas et le retour des prisonniers, Archipop. Malgré la joie, les fêtes, défilés et accueils des fils de la commune trop longtemps absents et rescapés, en réalité les retrouvailles sont difficiles. L'image notamment des « captifs de l'an quarante » est associée à la débâcle subie cinq ans plus tôt. D’autres figures masculines, celle du résistant de l’intérieur ou de l’extérieur s’impose alors dans la société française de l’après-guerre.

Et avant que la vie reprenne ses droits, il faut tenter d’enlever les séquelles matérielles du conflit. C’est ainsi le film Déminage de la plage du Touquet, Cinéam-Archives audiovisuelles en banlieue parisienne. Déminer, débomber, désobuser, détruire les centaines de milliers d’engins mortifères restés sur les plages, dans les champs, les haies, les ruines est un indispensable préalable. Devant l'ampleur du problème à résoudre, une direction du déminage est créée au sein du ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme. À sa tête, le célèbre résistant Raymond Aubrac. Pour cette tâche dangereuse, aux côtés de démineurs volontaires, on emploie des prisonniers de guerre allemands. Tous payent un très lourd tribut. Cinq cents français et plus de mille huit cents prisonniers démineurs décèdent au cours de leur mission.

Les séquelles de la guerre s’expriment aussi sur le temps long. Murmures, une histoire de femmes coréennes, Centre Audiovisuel Simone de Beauvoir, atteste des souffrances des femmes coréennes contraintes à se prostituer pour les militaires japonais. Les blessures et la honte de l’esclavagisme sexuel, le déni de reconnaissance par les autorités japonaises des crimes et exactions commis à l’adresse de ces femmes comme pour les massacres de civils en Chine à Nankin, font que des décennies après la guerre, le “passé ne passe pas”. En filigrane de ce film est posée la question de la reconnaissance et de la justice. Murmures, une histoire de femmes coréennes, rappelle aussi que la guerre fut mondiale, que d’autres regards forment la mémoire filmique du conflit. 

On retrouve cette autre façon de vivre et filmer dans Diverses images de l'armée allemande, 1944, La Cinémathèque de Montagne. Ces images tournées par un officier allemand de la vie ordinaire d’un régiment avec les déplacements, les permissions et repos, les agapes de Noël sont celles de l’autre camp, celui des Allemands. Ce que l’on voit est très ordinaire en réalité, commun à la vie de toutes les troupes. Mais derrière la banalité filmée, il est impossible de ne pas se poser la question, qu’ont fait ces soldats durant la guerre ? Ont-ils participé à des massacres de masse sur le Front de l’Est ou à des exactions en d’autres lieux ? 

Il est difficile de ne pas avoir à l’esprit l’ouvrage de Christopher Browning Des hommes ordinaires. Le 101e bataillon de réserve de la police allemande et la Solution Finale en Pologne. Sans connaître faute d’informations sur ce régiment, ce que ces hommes ont fait, la question majeure de la banalité des assassins comme la banalisation du mal se retrouve en filigrane dans cette archive mais aussi dans les autres films montrant des soldats allemands, Catastrophes, Mémoire des Images Réanimées d'Alsace ou Arrivée d'une colonne allemande, CICLIC.

Transmettre, ne pas oublier, assurément maîtres mots de ces exceptionnelles et singulières archives. 

La collection Seconde Guerre mondiale mise en ligne avec Amorce est un vrai travail d’histoire et de mémoire. Par volonté de témoignage historique, par désir de transmission familiale, par passion cinématographique, des cinéastes amateurs ont capté un quotidien confronté aux affres de l’histoire. D’instinct, nous sommes en empathie avec ces filmeurs, avec leur désir de saisissement de l’éphémère, car derrière la caméra, ce sont au sens large nos parents. 

Certes, il n’est pas toujours possible de décrypter, de commenter, d’historiciser ces archives mais la force de ces films amateurs, avec notamment l’intimité du regard caméra où il n’est pas rare que les protagonistes regardent l’objectif, en toute confiance, avec timidité, bienveillance, gêne, fantaisie, est de rendre l’histoire sensible et bouleversante.  

Le film de famille n’est donc pas simplement un additif anecdotique au grand récit de l’Histoire, il constitue de façon indéniable un autre regard, un contrepoint essentiel aux images et aux discours officiels, une façon renouvelée et proche d’une histoire du réel de traduire le passé. Amorce ou la mémoire filmique des territoires est donc une plate-forme unique, une ressource d’exception. 

Diaz Interegio

Amorce, la plateforme du réseau Diazinteregio.

Opération soutenue par l’État dans le cadre du dispositif « Numérisation du patrimoine et de l’architecture » de la filière des industries culturelles et créatives (ICC) de France 2030, opéré par la Caisse des Dépôts »

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